Gallimard. Février 2007. Folio. Mars 2009.
Coup de coeur.
Un conte fantastique, envoûtant, merveilleux, dramatique, violent, paré de mille couleurs, éclatant de poésie.
Une succession de personnages incroyables, baroques, dotés de pouvoirs surnaturels dont les destins tracent une épopée à travers l’Espagne d’un autre temps.
Un style unique, puissant, poétique, sensuel, empreint d’une grande force d’évocation.
Un livre envoûtant, magique.
Extrait:
Je suis ce dernier vers, cette main rouge, enluminée de henné, qui mit fin à notre course folle, je suis celle qui obligea ma mère à se coucher. Je suis le bout du voyage. Je suis l'ancre et je ne peux qu'écrire pour que meure l'histoire qui nous berce et nous mure et fait de nous des êtres différents, intraduisibles et étranges à tous.
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L'homme se soumit au tranquille pouvoir de la main et du fil. Il regarda le visage de celle qui reprisait son être effiloché. Le fil s'enfonçait toujours plus profondément dans l'épaisseur du tissu. Mais il ne s'agissait plus d'étoffe, l'aiguille fouillait plus loin. La pointe chatouilla le petit garçon endormi, elle retrouva son ombre cachée au pied d'un olivier et les ligota solidement l'un à l'autre. Frasquita mit bord à bord désir et volonté et recousit le tout. Puis elle fit un noeud au bout du fil et coupa d'un coup de dent ce pont qu'elle avait jeté entre elle et l'homme qui la regardait. Il se sentit soudain orphelin.
Une belle histoire de livre:
Carole Martinez (1966) consacre un congé parental à l’écriture de son roman et envoie le manuscrit inachevé chez Gallimard. «Vous êtes une merveilleuse conteuse. Ecrivez la suite.»
Le roman passe tout d’abord inaperçu, puis les lecteurs et les libraires l’ont plébiscité. Il a reçu 9 prix en 2007.
Prix Prince Pierre de Monaco
Prix Renaudot des lycéens
Prix Ouest France (Saint Malo). Etonnants voyageurs.
Prix Emmanuel Roblès des lecteurs (Blois)
Prix Ulysse du premier roman.
Prix du Premier Roman de Draveil
Bourse de la Découverte de la fondation Prince Pierre de Monaco.
Bourse Thylde Monnier
Coup de coeur des lycéens de Monaco
Prix luciole des lycéens
Sélection de la liste des livres d’été de l’Académie Goncourt.
Une belle histoire de famille
Elle désire écrire quelque chose entre le conte et le roman. Sa grand-mère lui contait des histoires effrayantes et merveilleuses, nourries de vieilles superstitions et de légendes. «Elle avait une dimension de conteuse extraordinaire, elle repoussait les murs , raconte sa petite-fille. L'écriture ne lui était pas accessible, elle appartenait à une classe sociale qui n'y a pas droit, mais ses histoires étaient vraiment merveilleuses, pleines de mysticisme et de fantastique.» L’héroïne du roman, la femme trahie par son mari pour une histoire de coq était son arrière-arrière-grand-mère. Cette légende familiale a marqué son enfance : «Une nuit, des voisines sont venues l'avertir que son mari l'avait jouée. Alors, pour ne pas payer la dette, elle a fui jusqu'en Algérie. Je la trouvais admirable mais je la voyais comme une victime ». «Je voulais qu'elle soit davantage responsable de sa propre vie. "Le Coeur cousu est un roman des origines: je n'avais plus qu'à pousser la porte de mon bureau et tout cet univers était là.»
Rien n'a jamais été écrit dans la famille. Avant ma grand-mère Nini, c'était même le désert : pas de photos, pas de textes, rien que quelques documents officiels conservés avec soin. Mais ce vide n'était pas silencieux bien au contraire, il débordait de possibles, de personnages mythiques qui semblaient venir d'avant l'invention de l'écriture, alors qu'à peine trois ou quatre générations nous séparaient. Frasquita Carasco, mon héroïne, est arrivée jusqu'à moi portée par des murmures de femmes. Racontée, déformée, sublimée par des analphabètes, Frasquita, mon aïeule, a été pétrie de voix humaines. Et c'est dans l'écriture que sont nés ses enfants. J'ai rempli les blancs. Je savais que cette femme avait fui son village du sud de l'Espagne après avoir été jouée au jeu par son mari, mais à quel jeu? Ça, on l'ignorait. Ma grand-mère me disait : "Mais comment veux-tu qu'elle l'ait su ? Puisqu'elle n'a pas attendu le retour de son mari pour se sauver avec ses enfants dans la charrette à bras. Ce sont les voisines qui l'avaient prévenue". J'ai inventé, rempli les trous, joué avec ce personnage trop grand pour moi, fort de tout ce qu'il avait traversé, la mer, les sables, le temps, et tout cela sans savoir ni lire ni écrire. Tout cela par la force de la tradition orale.