Folio.
Théâtre.
Une série de sketches humoristiques, burlesques, absurdes.
Deux personnages: Un et Deux, s'affrontent, de toute la force de leurs faiblesses humaines, avec une gravité comique et une énergie obsessionnelle dans des scènes d'un quotidien irréel. Ils se vouvoient, parlent comme dans la vie, s'écoutent, raisonnent, n'ont pas la même compréhension du monde, se heurtent à l'inattendu, se perdent dans la logique du langage. Hilarant.
Né en 1923, Roland Dubillard reçoit en 1953 une commande de Jean Tardieu pour une série de sketches radiophoniques quotidiens absurdes mettant en scène Amédée et Grégoire. Acteur, Dubillard joue Amédée. Ils deviendront en 1975, pour le théâtre: les Diablogues et autres inventions à deux voix, publiés par Gallimard.
Le spectacle 'Les Diablogues' a obtenu le Molière 2008 du Meilleur auteur francophone.
2008: mise en scène Anne Bourgeois au théâtre du Rond-point avec Jacques Gamblin et François Morel.
2008 : mise en scène de Daniel Hakier, au Théâtre Royal de l'Ètuve à Liège, avec Caroline Lemaire, Pauline Paulus et Roland Dechambre.
2009 : mise en scène Jean-Michel Ribes au Théâtre Marigny avec Muriel Robin et Annie Grégorio.
2010 : mise en scène Khalida Azaom, au Théâtre de La Fontaine d'argent, à Aix en Provence.
Extrait : Le malaise de Georges.
Un : Le suppositoire ? Eh bien, non, je vous avouerai franchement que je ne suis pas partisan du suppositoire. D’abord, ce n’est pas commode, n’est-ce pas… Vous êtes par exemple dans un bureau de poste ou n’importe où où il y a du monde, vous avez beau vous détourner, quand vous en prenez un, on vous remarque.
Deux : C’est surtout ce qui m’a retenu. Le pharmacien m’a dit : sous cette forme-là, ce qu’ils appellent la forme torpille, l’effet est plus rapide. Je lui ai dit : oui, mais, hé-hé-hé…
Extrait : L'altercation
Un: Vous devriez avoir honte, Monsieur, de porter des rubans aussi sales! ce n'est plus des rubans, c'est de la crasse!
Deux: De la crasse!
Un: Vous faites honte à la nation tout entière! On devrait les fusiller, Monsieur, les individus qui osent décorer les gens aussi sales! On ne décore pas des gens qui ne sont pas capables de devenir des gens décorés!
Deux: Ma légion d'honneur, Monsieur...
Un: Votre légion d'honneur, Monsieur, n'a pas la blancheur qu'il faut. Regardez la mienne et vous verrez ce que c'est qu'une rosette rouge vraiment blanche!
( )
Un: Français, hein? Français! Eh bien ça ne m'étonne pas! Vous avez tout ce qu'il faut pour ça: la lâcheté, la veulerie, la lubricité! Ah elle est belle la France! Eh ils sont propres les Français! y'a qu'à vous regarder avec votre petite tête de rond-de-cuir! Le bon Français moyen, hein? Vous puez le vin à dix mètres. Le Français, avant d'aller au cinéma, il faut qu'il boive!
Extrait: L'île déserte
Un: Oh zut. C'est lui.
Deux, s'approchant: Ah, c'est vous? Zut. Pour une fois que je fais naufrage, je n'ai pas de veine.
Un: Enfin quoi! Vous n'avez pas vu que c'était une île déserte? Qu'est-ce que vous faites ici?
( )
Un: Et moi, avec quelle émotion ne pardonnerais-je pas au "Hardy" d'avoir éperonné le "Laurel", s'il vous avez englouti avec lui. Car enfin! Une île déserte! La première de ma vie!
Deux: Mon île déserte! Et ça ne se représentera pas de sitôt! Vous me gâchez mon île déserte! La seule île déserte à laquelle j'aurai eu droit dans mon existence! Allez-vous-en!
Un: Je ne sais pas ce qui me retient de vous enfouir la tête dans le sable jusqu'à suffocation!
Deux: Moi je le sais: il est trop tard. J'aurais beau vous enterrer profond, effacer méticuleusement vos traces sur le sable, mon île pour autant ne redeviendra pas déserte: on ne refait pas la virginité d'une île. La partie est perdue, et même si je voulais tricher, on ne triche pas tout seul. Il faut être deux.
Extrait: C'est pour demain
Un: Ah! à propos, j'ai une bonne nouvelle pour vous. Enfin, une bonne nouvelle... Une nouvelle importante.
Deux: Ah?
Un: Oui. Votre vie va changer, mon vieux. Je suis bien content pour vous.
Deux: Qu'est-ce que c'est?
Un: Tenez-vous bien.
Deux: Je me tiens bien.
Un: C'est pour demain.
Deux: Quoi?
Un: C'est demain qu'on vous la coupe, la tête.
Deux: Comment demain?
Un: Ca vous la coupe, hein? Demain matin oui, ils se sont décidés, l'affaire est dans le sac. Depuis le temps que ça traîne, dites donc! ça va tout de même être un rude soulagement pour tout le monde, hein? Vous voyez que vous aviez tort de vous décourager. Ah! quand ils m'ont dit ça, vraiment ça m'a fait plaisir. Un événement comme ça, mon vieux, rien à faire: ça s'arrose. L'ennui c'est qu'au dernier moment j'ai complètement oublié d'acheter une bouteille de mousseux. Vous aimez le mousseux? Moi je trouve que dans les grandes occasions, le mousseux, ça fait gai, à cause du bouchon qui saute et de la mousse qui gicle. Quoi, qu'est-ce qu'il y a, vous n'avez pas l'air content. Vous faites une drôle de tête.