A découvrir pour tout amoureux de la langue et des mots !
Une joaillière dont il faut apprécier le choix des gemmes, couleur, éclat, forme, rapprochements, taille !
Dans le cadre de nos rencontres littéraires Liber’thé, Chantal Robillard nous a fait l’amitié de nous parler de son recueil de contes: La fontaine aux fées. Au fil des heures, elle nous a tenus en haleine en nous faisant partager son processus créatif, ses différentes œuvres et son enthousiasme pour la langue et ses subtilités, sa passion pour les mots, les histoires, les dits et non-dits, les clefs cachées dans les écrits. Elle a lu des passages de ce recueil, des Sept fins de Blanche-neige et de Hôpital Cendrillon, et si elle revendique le travail du conte écrit, elle rajoute également le talent du conteur de tradition orale.
Ecrivain et poète, elle fait également partie de la liste OULIPO [1].
Elle est conservateur en chef des bibliothèques pour le livre et la lecture à la Direction des affaires culturelles (DRAC) de Provence Alpes Côte d'Azur.Elle tient depuis 1998 la rubrique « littérature jeunesse à contraintes » dans la revue Formules.
Membre de la Société des gens de lettres (SGDL), elle est également jurée de prix littéraires, notamment le prix Printemps du roman qu'elle a fondé en 1997 avec Jean-Jacques Brochier et Danièle Brison, et dont elle a été la présidente en 2008.
Chantal Robillard a été nommée Officier des Arts et Lettres en juillet 2008.
Merci Madame pour votre talent
et votre générosité.
« Le conte est un genre un peu méprisé, un peu méconnu, alors que ses bases en sont mondiales et universelles. Les mythes, légendes et contes ont existé de tous temps, dans toutes les civilisations.
Je propose ainsi de revisiter les contes, de changer d’époque, de lieu, d’amplifier, de braquer le projecteur sur un personnage secondaire ou de m’imposer une contrainte. Le choix d’une contrainte peut donner de belles choses ! »
Le Verger éditeur, mars 1999.
La fontaine aux fées est un recueil de 12 contes à croquer
qui regroupe ces différents aspects de l’écriture
ainsi que leur intratextualité (textes liés les uns aux autres).
Tout part de l’introduction : Le thé des fées: prélude. Le premier conte regroupe des fées de différentes époques qui utilisent maintenant fax et portables: Mélusine, Poppins, Clochette, Lilas (petit clin d’œil au film de Jacques Demy: Peau d’âne ; la fée parle avec la voix de Delphine Seyrig), Bleue (la jolie fée bleue de Pinocchio), Carabosse, Sirène. Puis, on retrouvera l’une d’entre elles dans chaque conte.
Dans l’un des contes de Perrault, une fée demande de l’eau à deux sœurs. L’une (ravissante, douce et bonne) lui en donne et elle est pourvue d’un don merveilleux, dès qu’elle ouvre la bouche, il en sort de roses, des perles et des diamants. Elle rencontre un Prince qui l’épouse. L’autre (laide, revêche et égoïste) refuse et elle se retrouve condamnée à cracher des serpents et des crapauds. Chassée de toutes part, elle ne bénéficie d’aucune rédemption et c’est le seul conte qui finisse mal. Le conte se termine sur ces mots terribles: elle alla mourir au coin d’un bois.
Disparition au coin d’un bois: belle absente est la traduction de ce conte.
Il fallait ainsi qu’allât mimi-pinson au puits, matin puis soir, fort loin du logis, puis rapportât un grand pot d’acqua. Un jour, ayant pris boisson au puits, soudain vint la fatma-sans-un-sou, qui la manda pour lui offrir un drink. « Oui-da, ma grand-maman », dit joli minois, qui, rinçant aussitôt son pot, puisa au plus profond du puits, lui tint alors son pot afin qu’old clodo bût sans tracas. La fatma, ayant bu, lui dit : « tu as un air si bon, si mignon, si droit, qu’il faut, pour moi, t’offrir un don.
La seconde chance raconte la suite de l’histoire de la méchante sœur.
Une fée la prend en pitié, la ressuscite. Pas si bête, la jeune fille saisit sa chance, se tait, épouse un paysan, apprend à utiliser son don à bon escient, devient bonne, aimante et obligatoirement toujours taiseuse.
Elle remercia la fée de sa même révérence profonde. A son grand étonnement, elle entendit alors la voix de celle-ci :
- Merci Fanchon, tu me récompenses de mes efforts. Je t’offre un dernier don : je serai la marraine de l’enfant que tu portes en toi et, je te le dis, ce sera un homme de parole.
La belle est au jardin d’amour raconte la suite du traditionnel « ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants ». La paysanne devenue princesse n’eût guère de succès auprès du prince et de la cour. Hormis les diamants et fleurs, elle avait peu de conversation !
Et, comme l’on s’habitue à tout, très vite, même ses perles, ses roses et ses diamants parurent, à quelques temps du mariage, plutôt communs. ( ) Etaient alors apparues sous une lumière crue toutes les maladresses de la jeune reine, à qui l’on avait point encore eu le temps d’apprendre à discourir, à danser, à faire les mille civilités de la vie de cour, le prince l’ayant épousée le jour même de son arrivée au palais.
Mal aimée de sa belle-mère, moquée par la cour, mère éplorée perdant les garçons mis au monde, elle fut vite délaissée par son époux, exilée et recluse dans un château puis assassinée pour lui voler sa richesse.
Les deux battants de la porte s’ouvrirent avec violence. Elle n’eût pas le temps de comprendre. La première flèche lui pénétra le sein gauche, la seconde, presque simultanément, se planta au milieu de son front. Les archers s’effacèrent devant le chevalier brigand, qui vint se pencher au-dessus du corps. Avec son poignard, il lui ouvrit la gorge d’une oreille à l’autre, puis fendit le corps du cou au bas-ventre, et fouilla dans les entrailles chaudes.
- Alors ? dit un comparse avide.
- Rien ! Rien de rien !... On nous aura menti… Cette sorcière n’avait rien de précieux dans le ventre !
Autre variante de la suite de « Ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants », tout aussi tragique : La Vierge noire. Dans cette version, la malheureuse choisit de s’isoler dans un couvent et comme sa sœur de se taire. Jusqu’au jour où le flot de paroles endigué se répandit et l ‘ensevelit.
On se pressa de remuer, vite, vite, le monceau de perles, de pierres, de roses. On se piqua au sang avec les épines des fleurs d’églantier, on se zébra les mains avec les éclats de diamants, on glissa sur les perles qui fuyaient vers la rivière… Mais quand tout fut éparpillé, dispersé, épandu au sol, on ne la retrouva pas.
Fabliau de la fontaine aux fées en forêt de Foucheresse est un tautogramme dans lequel tous les mots pertinents commencent par un « f ». Pour celui-ci, Madame Robillard a été aidée, dit-elle, par messieurs Robert, Larousse et Quillet ! Mais il ne suffit pas de faire appel aux dictionnaires, encore faut-il recourir aux éléments essentiels à une nouvelle : histoire, suspense, chute.
La faridondaine, la faridondon. Folâtre, Fanchon fredonnait en furetant dans les fourrés, flemmassant vers la fontaine aux fées, flanquée d’un flacon de faïence un peu fêle. En fanfreluches de flanelle framboise et fichu fleuri, elle flânait, fort loin en forêt. Il lui faudrait foncer, pour figurer fièrement à la foire, sous les flonflons de la fête foraine.
Le désempaillé fait référence à la fontaine du Pérou de St Alyre en Auvergne. http://www.clermont-ferrand.fr/La-fontaine-petrifiante-des.html , site exceptionnel où depuis le 17ème siècle on pétrifie des objets. L’eau chargée les recouvre peu à peu d’une gangue translucide. L’auteur se souvient avoir ainsi vu toute une ménagerie pétrifiée.
Romance en mer sereine: contrainte du prisonnier est vu par Vénus. Cette fois, la contrainte est de n’utiliser aucune lettre de l’alphabet possédant hampes ou jambages, c’est à dire la moitié de l’alphabet.
Ecume nacrée en mer sereine, mer miroir, cosmos noir comme raisin, avec mimosa semé en ses recoins, vénus, oisive, examine un vaisseau.
Voir mes autres billets: Le sirène et la licorne. Chantal Robillard.
Redonde au gamin têtu. Chantal Robillard.
Les sept fins de Blanche-Neige. Chantal Robillard
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Bio et bliographie de Chantal Robillard
http://www.m-e-l.fr/Chantal%20Robillard,463
Chantal Robillard intervient dans les écoles à votre demande . La contacter par le lien ci-dessus
[1] OULIPO : Ouvroir de littérature potentielle, créé en 1960 par Le Lionnais, Queneau et une dizaine d’autres. Un écrivain oulipien s’invente des contraintes d’écriture. C'est "un rat qui construit lui-même le labyrinthe dont il se propose de sortir". Un labyrinthe de quoi? De mots, de sons, de phrases, de paragraphes, de chapitres, de livres, de bibliothèques, de prose, de poésie, de tout ça...
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