Balland, Juillet 2011
Deuxième sélection prix de Flore 2011
Quand on me demande de conseiller un livre amusant et distrayant, je suis bien embêtée. Et surtout cette année où tous les livres sont lugubres! Alors, voilà une bouffée d'oxygène, un éclat de rire sur 250 pages, une utopie salutaire, un éloge cocasse de la paresse!
Trois amis décident de quitter leur vie minable, leurs coups foireux et prennent la route. Ces anti-héros fort sympathiques nous entraînent en Fiat Panda jusqu'à Jérusalem, pas en Israël, mais dans un hameau français des Cévennes.
Ils nous demandaient ce qu'on faisaient dans la vie, où on vivait, enfin tout ça. On leur répondait qu'on était DJ avant-gardiste de patinoire, mère au foyer sans enfants et ex-vendeur de sapins de Noël hallal. Ils se bidonnaient, croyant qu'on leur faisaient un numéro d'improvisation. Ils ne savaient pas que le monde extérieur était devenu aussi grotesque.
Adieu patinoire, sapins, mari! Au passage, on apprend la déontologie du métier de vendeur de sapins et comment adapter son message à sa clientèle. Un grand moment!
Faute de clients, on a passé l'après-midi à simuler les ventes. Un coup j'étais vendeur, un coup acheteur. On peaufinait les techniques. Les arbres venaient tous du Danemark, mais M. Robert expliquait que si on tombait sur un client patriote, on pouvait dire que la marchandise venait de Bourgogne, du Morvan, berceau de la Gaule. Y'a pas de mal à faire plaisir au client. Frédéric acquiesçait. Et puis il y a la question de l'écologie. Attention, on ne badine pas avec l'écologie. Tu peux être mauvais sur tout, mais pas sur l'écologie. Si le client se met à complexer quand il consomme, c'est foutu. Il se terre chez lui, se met à picoler en regardant la TV et on ne le revoit plus. C'est fragile, un client, faut pas croire. C'est sensible aussi. Ca demande de l'attention. Ca réclame sa part de dignité. Il faut le mettre à l'aise, le décomplexer, le caresser dans le sens du poil, lui faire comprendre qu'en achetant un sapin, il fait jouir la planète. C'est tout un métier, qu'est-ce que tu crois.
Il m'a fait apprendre une phrase par coeur, et répéter plusieurs fois. Il l'appelait La Phrase. "Tous les sapins proviennent de plantations spécialement aménégées et ne participent donc pas à la déforestation." A servir à toutes les sauces dès que la question de l'écologie arrivait sur le tapis.
Et voilà une nostalgie hilarante de la ruralité, et de l'utopie du l'auto-suffisance et du rejet de la société de la consommation: 1968 revisité 2011! Eloge des ancêtres des bobos: les babas!
Il vouait une haine inextinguible à l'agriculture et à la révolution néolithique, qu'il considérait comme étant à l'origine des emmerdements de l'humanité. Selon lui, l'apparition de l'agriculture était la conséquence d'un bouleversement symbolique délétère qui avait conduit au remplacement d'une spiritualité organique et horizontale par une religion arrogante et verticale, incitant soudain les hommes, par pure idéologie, à domestiquer plantes et animaux afin d'affirmer leur absurde supériorité sur la nature, ce qu'il estimait éminemment scandaleux.
Vous n'avez rien compris au discours écolo? Il faut lire la suite pour découvrir l'économie apte à conduire les hommes au bonheur terrestre!
Et en attendant le bon bol d'air, c'est un bon bol de rire!