JC Lattès. Mai 2009
Après No et moi (prix des Libraires 2008), Delphine de Vigan raconte la lente et implacable chute de deux personnes, isolées et solitaires au sein de la grande ville. Pour l'une, il s'agit d'un harcèlement moral dans l'entreprise , pour l'autre l'agonie d'une histoire d'amour. L'auteur nous entraîne dans leur sillage avec émotion et justesse, sans pathos. Seule la fin me laisse un goût d'inachevé, même si la conclusion ne pouvait être autre.
Dernière sélection prix Goncourt 2009.
Extraits
Aujourd'hui, le 20 mai, parce qu'elle est arrivée au bout, au bout de ce qu'elle peut supporter, au bout de ce qu'il est humainement possible de supporter. C'est écrit dans l'ordre du monde. Dans le ciel liquide, dans la conjonction des planètes, dans la vibration des nombres. Il est écrit qu'aujourd'hui elle serait parvenue exactement là, au point de non retour, là où plus rien de normal ne peut modifier le cours des heures, là où rien ne peut advenir qui ne menace l'ensemble, ne remette tout en question. Il faut que quelque chose se passe. Quelque chose d'exceptionnel. Pour sortir de là. Pour que ça s'arrête.
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Il a longtemps cru que la ville lui appartenait. Sous prétexte qu'il en connaissait la moindre rue, la plus petite impasse, les dédales insoupçonnables, le nom des nouvelles artères, et ces quartiers surgis de nulle part aux abords de la Seine. Il a plongé ses mains dans le ventre de la cité, au plus profond. Il connaît les battements de son coeur, ses douleurs anciennes que l'humidité réveille, ses états d'âmes et ses pathologies. Il connaît la couleur de ses hématomes et le vertige de sa vitesse, ses sécrétions putrides et ses fausses pudeurs, ses soirs de liesse et ses lendemains de fête. Il connaît ses princes et ses mendiants.