Editions Stock. Septembre 2010.
Coup de coeur.
Prix des lecteurs des Ecrivains du sud 2011
Sélection du prix des lecteurs des Ecrivains du Sud 2011
Premier prix du livre numérique 2001
Après Pièce montée, (en 2007: Prix des Lecteurs du Livre de Poche, prix Edmée de la Rochefoucauld de la première oeuvre, prix René Fallet du premier roman), satire caustique d’une certaine bourgeoisie, voici enfin le deuxième roman de Blandine Le Callet, qui sous le couvert de l’anticipation laisse apercevoir une critique des dérives la société contemporaine.
Un formidable et excellent, original et inquiétant roman.
Arrachée brutalement à sa mère, Lila K est placée dans une institution qui la soigne et l’éduque. Traumatisée, blessée, autiste, elle oublie alors tout de sa vie antérieure. Surdouée, elle surmonte ses traumatismes, parvient à se donner une apparente banalité pour mener à bien sa quête : elle veut retrouver sa mère et la mémoire. Elle est suffisamment fine pour faire croire aux « Etroits » qu’elle peut s’adapter à son/leur monde. Devenue technicienne numérique dans une bibliothèque (où les livres papiers sont interdits !), vivant dans cette société hyper - sécurisée et encadrée, truffée de caméras, elle réussit à passer dans la Zone, immense banlieue violente et désespérée …
Lila passe d’un sentiment à l’autre : l’univers sécurisé « intra-muros » la rassure mais contrôle aussi sa vie et ne lui laisse plus de liberté. La dualité des sentiments de Lila renvoie le lecteur à son propre cadre de vie. Faut-il choisir entre liberté et sécurité ?
La cité a toute sa place dans ce roman du début XXII siècle. Et si Lila, malgré ses réticences, parvient avec difficultés à s'adapter à cette société, celle-ci semble déjà familière au lecteur, malgré l’anticipation. Et c’est là tout le talent de l’auteure de nous faire appréhender ce monde pas si lointain que cela.
Faut-il rajouter que j’ai dévoré ce livre ?
Extraits :
Après le dîner, je restais seule dans ma chambre. Plusieurs fois, ils m'avaient proposé de rejoindre les autres, pour passer un moment avec eux avant d'aller dormir, mais j'avais refusé. Les autres me faisaient peur. Chaque jour, je les observais, depuis la salle de rééducation. Le nez contre la vitre, je les regardais jouer dans la cour principale, au pied du bâtiment. Et malgré la triple épaisseur de verre qui atténuait leur clameur, malgré les trente étages qui nous séparaient, eux et moi, je ne pouvais m'empêcher de frissonner. Je le savais, j'en étais sûre : je n'arriverais pas à vivre au milieu d'eux ; j'étais trop différente, et surtout, incapable de supporter les bruits dont résonnait l'espace, ces cris, ces rires, ces pleurs lointains, ces chuchotements la nuit, dans le couloir, tout ce monde vivant qui grouillait à ma porte. C'était trop effrayant. Jamais je ne réussirais à m'y habituer.
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On passe sa vie à construire des barrières au-delà desquelles on s’interdit d’aller : derrière, il y a tous les monstres que l’on s’est créés. On les croit terribles, invincibles, mais ce n’est pas vrai. Dès qu’on trouve le courage de les affronter, ils se révèlent bien plus faibles qu’on ne l’imaginait. Ils perdent consistance, s’évaporent peu à peu. Au point qu’on se demande, pour finir, s’ils existaient vraiment.
Lire aussi: Blandine Le Callet. Entretien aux Ecrivains du sud. , le 9 décembre 2010.